Fédération Française des Dojos Legend of the Five Rings |
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| [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 | |
| | Auteur | Message |
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Makichiro
Nombre de messages : 638 Localisation : Secte du Lotus / Béziers Date d'inscription : 29/10/2005
| Sujet: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Mar 27 Déc 2005 - 13:04 | |
| Voilà la première session des concours de nouvelles. Comme proposé par Shinjo Def, chaque concurrent aura 1 mois (à compter d'aujourd'hui, donc jusqu'au 27 Janvier 2006) pour poster sa nouvelle dans ce sujet. Ensuite, pendant 15 jours, un vote sera mis en place pour déterminer le vainqueur de cette première session. La personne obtenant le plus de vote donnera le thème de la seconde session et ainsi de suite.
Le thème donné étant commun à chacun, il est bien évidemment conseillé de ne pas lire les nouvelles des autres concurrents avant de poster la sienne (pour éviter toute "copie d'idée involontaire").
Le thème de cette session est : La mort d'un guerrier. | |
| | | Shinjo Def Champion du Dojo Brocorn
Nombre de messages : 103 Localisation : Dojo Brocorn Date d'inscription : 06/11/2005
| Sujet: Re: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Mar 17 Jan 2006 - 8:03 | |
| Le vent se leva, faisant entendre des craquements dans les branches des arbres que les feuilles avaient désertées depuis quelques semaines. La morsure du froid se propagea dans tout le corps de Daïshi, lui rappelant qu’un hiver rude était, tel un prédateur, tapi dans les broussailles d’un futur trop proche à son goût.
Il se languissait de la chaleur du feu de cheminée de l’auberge familiale – le Cerisier Solitaire-, mais il n’était pas question de revenir sans avoir relever tous les collets. Il espérait ramener au moins un lièvre. Il le dépècerait lui-même et n’aurait nul scrupule à s’en nourrir. Les affaires n’avaient pas été bonnes cette année, et la « souillure » provenant de la manipulation du cadavre d’un petit animal était incontestablement un mal moindre à la faim.
Il poursuivit sa route jusqu’à une petite colline que contournait la rivière des trois sœurs, il la savait particulièrement giboyeuse, et c’était dans les pièges qu’il y avait posé qu’il plaçait son espoir de ne pas revenir les mains vides. Il s’arrêta un instant, s’attardant sur le tumulte de la rivière. La végétation prise dans l’étau du givre du petit matin n’en avait que plus de beauté. Il inspira profondément, prenant le temps de jouir de la plénitude que provoquait en lui la beauté du paysage.
Un peu plus loin, il pouvait apercevoir la fumée de l’auberge au bord de la rivière. Cela faisait des générations que sa famille profitait de la proximité d’un des seuls ponts à des lieues, et du passage d’une route commerciale reliant Shiro Taïshi aux terres du clan de la Licorne. Malheureusement, la récente guerre entre les troupes du Khan et celles du clan du Lion avait bien altéré la relative tranquillité financière dont jouissait jadis sa famille.
Il s’arracha à sa contemplation pour s’enfoncer plus avant dans la végétation qui devenait plus dense au fil de sa marche. Il repéra le hêtre centenaire près duquel il laissait toujours un piège. Il comprit rapidement qu’il avait pris quelque chose aux bruissements des feuilles et aux mouvements des branches basses, aussi se mit-il à courir. Il se préparait déjà à tordre le cou à un lièvre lorsqu’il s’arrêta, stupéfait. Un renard d’un roux flamboyant se débattait avec une vigueur impressionnante dans les rets de son piège.
Il n’était pas question pour Daïshi de manger du renard, même en ces temps de disette. Les Kitsunes étaient en effet connus pour être de puissants esprits, et il n’aurait en aucun cas voulu encourir leur courroux. Rapidement, il comprit qu’un autre problème se posait à lui. Il ne pouvait pas laisser le renard dans cette position pour le moins fâcheuse, mais il ne pouvait pas non plus se résoudre à l’assommer. Il devrait donc risquer une morsure, et peut-être plus pour pouvoir le libérer.
La bête malgré toute l’énergie qu’elle mettait à se libérer, n’était pas bien impressionnante, pourtant Daïshi sentit la peur l’envahir. Une mauvaise morsure pouvait être synonyme d’infection et de mort. Il n’était pas un guerrier, sa peur n’était-elle donc pas naturelle ?
Il soupçonnait en outre les samouraïs qu’il avait pu fréquenter de connaître ce sentiment. Ils étaient selon toute probabilité simplement fort habiles à le dissimuler. De tous ceux qu’il avait servi au Cerisier Solitaire, un seul l’avait vraiment impressionné. C’était un fier samouraï du dojo Brocorn qui passait régulièrement se reposer à l’auberge. Daïshi n’avait pas connu son père, ses poumons trop fragiles n’ayant pas supporté l’humidité de la mousson de la première année de vie du jeune homme.
Lorsque les tâches quotidiennes s’avéraient trop pénibles, il se laissait aller à imaginer que cet homme était son père, que sa mère et lui étaient profondément amoureux, qu’il l’aimait, lui, mais aussi son frère et sa soeur dont il était le cadet. Mais surtout, il rêvait que l’homme lui enseignait avec patience et tendresse la voie du guerrier. Au fil de ses divagations, il imaginait aussi qu’il était doué.
La question se posait : ce samouraï était-il vraiment plus impressionnant que les autres, ou était-ce la gentillesse avec laquelle il traitait Daïshi qui lui donnait à ses yeux cette aura particulière ?
Il continua à repenser à cet homme dont il aurait aimé être le fils ou l’ami, tout en continuant à songer à son problème. Il n’avait sur lui qu’un petit couteau, et il ne pouvait se résoudre à risquer de blesser ce renard… Et d’ailleurs qu’aurait-il fait, lui, ce Moto Xingiu, en pareille situation ? Il n’aurait sans doute même pas réfléchi, frappé par l’évidence de la solution. Pour lui, tout semblait être tellement évident…
Un jour Daïshi s’était enhardi, et lui avait posé une question directement, tandis qu’il assistait l’homme durant son bain. « Quelle est l’essence de la voie du guerrier ?» lui avait-il demandé d’une voix rendue fluette par la peur de voir sa vie s’achever instantanément pour prix de son impertinence.
L’homme s’était retourné vers lui a une vitesse qui lui avait semblé fulgurante, puis il avait planté ses yeux dans les siens tandis que les membres de Daïshi menaçaient de céder à d’irrépressibles tremblements. Puis il avait éclaté de rire. Daïshi s’était senti honteux, et s’était remis à frotter le dos du samouraï, lorsque la voix puissante de l’homme avait empli la pièce :
« Tu vois cette éponge avec laquelle tu me laves ? L’eau dans ce baquet ? L’arbre planté devant l’auberge de ta mère ? Le rossignol que l’on entend chanter ? Toutes ces choses ne font qu’un. Cette vérité nous nargue, nous sentons sa présence, mais peinons à l’appréhender dans sa totalité. Eh bien vois-tu Daïshi, il en va de même avec la voie du guerrier. Un guerrier ne doit pas apprendre à utiliser son arme, il ne doit faire qu’un avec elle. Il ne doit pas espérer livrer un beau combat, il doit être ce combat. Il doit renoncer à lui-même pour être à la fois la défense et l’attaque, pour sublimer dans un instant de beauté éphémère cette unique vérité : toutes les choses ne font qu’un ! »
Le samouraï lui avait ensuite demandé de le laisser, mais ses mots s’étaient imprégnés en Daïshi et souvent il se les répétait comme en ce moment. Il regarda son couteau, puis le renard, et soudain ce fût comme si quelque chose s’éveillait en lui. Il se sentit à la fois plus loin et plus proche de la scène qu’il observait, un bourdonnement envahit sa tête, comme une unique note continue – ou étaient-ce toutes les notes ?
Alors il su. Il su non pas qu’il pouvait le faire, mais qu’il le ferait. Il éleva le couteau au dessus de sa tête fixant le renard dans les yeux. Ce dernier le défia de ses glapissements et de ses gesticulades. En un large mouvement circulaire Daïshi abattit son couteau – le renard se recroquevilla, laissant échapper quelques gouttes d’urine sous l’emprise de la terreur. Un instant après, une forme rousse disparaissait dans les fourrés. Daïshi regarda son couteau pour confirmer ce qu’il savait déjà : pas une tache de sang, il avait réussi un coup parfait, tranchant la corde du collet, sans même avoir enlevé un poil au renard, et ce, avec son vieux couteau. Il comprit en cet instant qu’il avait connu la quintessence de l’art du guerrier. Il ne savait s’il pourrait un jour atteindre à nouveau un tel moment de perfection, mais il tomba à genoux, et pleura en remerciant les fortunes d’avoir pu vivre ça.
Dernière édition par le Mar 17 Jan 2006 - 8:18, édité 1 fois | |
| | | Shinjo Def Champion du Dojo Brocorn
Nombre de messages : 103 Localisation : Dojo Brocorn Date d'inscription : 06/11/2005
| Sujet: Re: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Mar 17 Jan 2006 - 8:04 | |
| Plusieures heures s’étaient écoulées. C’est seulement lorsque la lumière du jour avait commencé à décroître que Daïshi se rappela que sa mère l’attendait et qu’elle devait être folle d’inquiétude. Il avait passé la journée à savourer l’instant de plénitude de la matinée. C’est donc en courant qu’il rentra au Cerisier Solitaire. Son souffle était court lorsqu’il arriva en vue de l’auberge. Il vit des chevaux à l’écurie, et s’en réjouit. La présence de clients pourrait compenser l’absence de prises de Daïshi.
Il se hâta de rentrer par la cuisine, il s’était déjà fait à l’idée des réprimandes dont il ne manqueraient pas d’être l’objet. Lorsqu’il passa la porte sa mère le vit, se rua sur lui, et le prit dans ses bras : « Tu es vivant Daïshi, j’ai eu si peur ! ». Aussitôt il comprit que quelque chose n’allait pas. La réaction de sa mère ne ressemblait à rien de ce qu’il avait anticipé. Il fit, des yeux, le tour de la pièce et vit son frère Takeo qui semblait retenir des larmes dans une attitude crispée.
« Où est Hikari ? » demanda-t-il. Mais avant que quiconque ai pu lui répondre, la porte de la cuisine s’ouvrit. Il entendit la voix d’un samouraï s’adresser à sa sœur tandis qu’elle entrait : « Allons ma beauté, hâte toi de nous amener du saké, ta présence nous manque déjà !!! » Des rires gras et imbibés suivirent ces propos. Daïshi se précipita vers Hikari :
« Que se passe-t-il ? » Sa sœur ne pu soutenir son regard et fondit en larmes. C’est Takeo qui lui répondit : « Ce groupe de samouraïs du clan de la Mante est arrivé cet après-midi. Ils ont tout de suite eu une attitude très déplacée et ont exigé de n’être servis que par Hikari. Nous ne pouvons rien faire, ce sont des guerriers. L’un deux porte même le mon des magistrats d’Emeraude ! Si seulement il pouvait y avoir un de ces fiers samouraïs de Shiro Taishi ! Jamais de tels évènements n’auraient été tolérés par un membre du dojo Brocorn ! Mais nous sommes seuls, et ne pouvons rien pour notre sœur… »
Les pleurs d’Hikari redoublèrent tandis que sa mère lui remettait une jarre chaude de saké : « Courage ma fille ! » lui dit-elle, « tel est notre destin à nous autres heimins, l’ordre céleste est parfois bien cruel ! Dis-toi qu’ils seront partis demain matin… Allons sèche tes larmes, si tu montres ta faiblesse ils en profiteront ! »
C’était donc pour cela ! Il n’y avait pas de hasard. Quel imbécile il faisait, de toute la journée, Daïshi ne s’était jamais dit que si les Kitsune étaient de puissants esprits, il était peu probable qu’ils se fassent prendre a un piège. A aucun moment jusqu’ici, cette évidence ne l’avait effleuré. Il s’assura que son couteau était encore dans sa poche, et se dirigea d’un pas ferme vers sa sœur : « Va te reposer ! » lui dit-il, « Je m’occupe de tout ! » « Daïshi ! Non ! » Sa mère fit un geste vers lui pour le retenir, mais en croisant son regard, elle comprit que c’était inutile. Elle le supplia : « Je ne veux pas d’un fils mort… ». Daïshi se retourna vers elle : « Je ne veux pas d’une sœur déshonorée, d’une famille humiliée ! » Une voix forte parvint jusqu’à eux : « Alors il vient ce saké ! » « Il arrive ! » répondit Daïshi. Il passa la porte d’un pas résolu, et la referma derrière lui.
En le voyant entrer quatre bushis en armure légère se levèrent d’un seul tenant : « Eh ! T’as pas compris ce qu’on a dit toi ? On veut la jeune fille! » « Elle est indisposée, c’est moi qui vous apporte votre boisson nobles samouraïs » dit Daïshi en s’approchant d’eux. « Toi, on va t’apprendre l’ » commença un des samouraïs, mais il ne pût terminer sa phrase. Daïshi lui avait en effet briser la jarre de saké bouillant au visage. Il profita de sa surprise pour trancher le cou à un autre de ses adversaires. Deux flots discontinus de sangs se mirent à jaillir de son ennemi qui hurla, et se mit à courir en tout sens. En quelques secondes la pièce et ses occupants furent recouverts de sang. Les deux samouraïs intacts s’étaient reculés. Daïshi profita de leur hésitation pour planter son couteau derrière la tête du brûlé. Il aurait voulu frapper en premier le magistrat, mais celui-ci était resté derrière ses compagnons. « Tu vas mourir comme un chien ! » lui dit le représentant du champion d’Emeraude, encochant une flèche à son arc, tandis que son compagnon avait dégainé deux kamas. Daïshi s’immobilisa fixant ses adversaires dans les yeux, et attendit que le magistrat décoche sa flèche. Il ne connaissait qu’une manière de se battre, celle qui consistait à ressentir les choses et à s’accorder aux évènements de manière instinctive. Il s’interdit donc de penser à quoi que ce soit d’autre. La flèche partit, Daïshi ferma les yeux, et ce fût comme si le temps s’était suspendu. Son état de concentration manqua d’être brisé lorsqu’il s’étonna de la facilité avec laquelle il détourna la longue flèche d’un coup de couteau bien minuté. Il exploita la surprise de ses adversaires pour se ruer sous la garde du bushi aux kamas et lui planter son couteau dans l’artère de la jambe. Il mourut rapidement dans un autre bain de sang. Le magistrat se remit de son étonnement à temps pour fuir, et le Cerisier Solitaire ne fut plus troublé pour un temps que par le bruit diminuant du galop d’un cheval.
Lorsque la mère de Daïshi entra dans la pièce, suivie de Takeo et d’Hikari elle ne trouva rien à dire. Daïshi se sentait déstabilisé par sa famille qui l’observait avec un mélange d’admiration et d’horreur. Ne supportant plus ce silence, il le brisa : « Il reste trois chevaux à l’écurie, prenez tout ce qui a de la valeur, et partez vous réfugier à Shiro Taishi. Je resterai ici, il n’y aura plus de paix pour moi car ils voudront ma mort. Il n’y en aura plus pour vous aussi si vous restez. Allez trouver Moto Xingiu, dites lui ce qui s’est passé, et dites lui aussi que je l’ai accompli grâce à ses leçons. Votre seul espoir est qu’il accepte de vous prendre sous sa protection… » « Mais Daïshi… » commença sa mère. Il l’interrompit d’un regard, la prit dans ses bras, puis fit de même avec son frère et sa sœur. "Allons hâtez-vous ! "
***
Daïshi ne parvint pas à trouver le sommeil cette nuit là. Il avait passé la nuit assis en tailleur au pied du cerisier qui donnait son nom à l’établissement. Il avait repensé à tous les évènements qui avaient fait d’un garçon d’auberge une menace pour les troupes du champion d’Emeraude. Son destin vint à lui en milieu de matinée sous la forme d’un groupe d’une vingtaine de cavaliers arborant la bannière des Légions d’Emeraude. Le groupe s’approcha de lui, et un samouraï du clan de la grue prit la parole : « Yoritomo Aki dit que tu as tué trois samouraïs. Bien que je trouve cela incroyable nous sommes venus les venger. Prépares-toi à mourir démon ! » « Je ne suis pas un démon » répondit Daïshi. « Je ne suis qu’un heimin qui a trouvé la voie que vous et vos semblables n’avez jamais fait que chercher. Je l’ai trouvé car j’ai croisé la route d’un des rares véritables samouraïs qui foulent le sol de Rokugan. Je n’ai qu’un vieux couteau, mais je défendrai ma vie chèrement ! » Le samouraï du clan de la grue éclata de rire : « Allons, massacrez ce loqueteux prestement qu’Aki puisse se faire seppuku ! » Daïshi vit le sourire sur le visage de bon nombre de samouraïs, et lorsque le Kakita fit un geste dans sa direction, tous se dirigèrent vers lui, mais seulement trois étaient en position d’attaquer. Daïshi se sentit plonger à nouveau dans cet état de concentration intense, et il enchaîna les mouvements. Il les enchaîna tant et si bien qu’il perdit le compte des coups qu’il portait et de ceux qu’il évitait. C’était comme si la scène à laquelle il participait se trouvait éloignée de lui. Lorsqu’il n’y eut plus de coup à porter, il tourna sur lui-même pour contempler le carnage dont il était l’origine. Autour de lui gisaient, morts une dizaine de magistrats. Leur chef peinait à rallier ceux qui avaient survécus et qui, semble-t-il, préféraient fuir. Le sang recouvrait la terre au pied du vieux cerisier, et il se prit à espérer que l’arbre pourrait y puiser de la force. Pendant qu’il s’abandonnait à ses réflexions, le reste de la troupe s’était reformé. Ils se mirent à tourner autour de lui à cheval, lui décochant des flèches dans leur mouvement. Daïshi se mit à les parer, une à une, mais il était épuisé, et il y avait tant de flèches à parer… Il commença par en manquer une. Une douleur terrible remonta depuis sa jambe, et retenant un cri, il posa un genou à terre. Il para d’autres flèches, mais son manque de mobilité l’empêchait de tourner pour parer celles venant de derrière. A plusieures reprises des flèches pénétrèrent son corps, mais toujours il continuait à en parer. Parmis les samouraïs restants, bien peu lui tiraient encore dessus. Ils étaient à genou et le fixaient d’un regard stupéfait. Daïshi fit un dernier effort pour leur lancer un dernier regard de défi, puis ses dernières forces l’abandonnèrent, et il mourut.
***
Au bord de la rivière des trois sœurs, sur la route menant des terres du clan de la Licorne à Shiro Taishi, dans la Plaine du Seppuku se dresse au pied d’un cerisier majestueux un autel. Il fut dresser, dit-on, par ceux qui tuèrent le plus grand guerrier que Rokugan ai connu. Après avoir transmis sa légende, ils se donnèrent la mort comme l’exigeait leur honneur. Il n’est pas rare de voir des samouraïs venir s’agenouiller au pied du Cerisier Solitaire ; ils prient, dit-on, pour que Daïshi, fortune du combat, les touche de sa grâce. | |
| | | Nikushim Invité
| Sujet: Re: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Lun 23 Jan 2006 - 20:03 | |
| Le samourai marchait seul. C'était le soir, et il lui tardait de rentrer au Shiro Taishi, bien qu'il n'eut pas peur. Il savait manier son Katana et quel que soit le danger, il saurait y faire face. Cependant, dans les ténèbres, quelquechose l'observait et attendait la nuit avec patience. Nikushimi aimait beaucoup ces moments où elle devait choisir quelle vie elle sacrifiera. Mais cette fois la proie était trop belle.
Le samourai chuchota : "Nuit triste mais attirante, ta sombre beauté m'obsède... tout comme celle de cette mystérieuse femme. Depuis cette nuit d'automne que je n'oublierai jamais, je ne ressent que de la solitude. Imprègne-moi, oh nuit, tout comme tu le fais avec les forêts. Mon coeur est froid... Froid comme cette neige... Mais peux-tu entendre mes pleurs ?"
C'est à ce moment là que Nikushimi choisi de se révèler au samourai.
"Je les entends. dit-elle Et je dois vous avouer que vous obsédez mes pensées vous aussi. Touchez la neige. Cette sculpture sans vie n'est-elle pas douce à caresser ?"
Elle s'accroupi pour prendre quelques flocons le coeur du samourai s'arrêta presque de battre. La dame de ses pensées se tenait devant lui. C'était elle. Comment se pouvait-il ? Elle s'approcha lentement de lui. Très lentement, elle approcha sa joue de la sienne jusqu'à ce qu'ils se touchent. Elle murmura :
"Ressens-tu l'appel du désir nocturne ? Ta respiration, tes pleurs enchenteurs..."
Elle lui embrassa tendrement la joue et, d'un geste vif, se trancha le bras avec son tanto
"Le sang de la nuit... goûte au vin de la damnation." Lui dit-elle en souriant.
Il embrassa la plaie de Nikushimi. Elle releva d'un doigt le visage du samourai, l'embrassa, et poursuivi :
"Ressens-tu la douleur du désir nocturne ? Emprunteras-tu le chemin maudit d'un sombre plaisir dans le pur vin de la damnation ?" - Je me suis noyé dans la couleur de vos yeux... car un coeur sombre ne peut trouver de beauté que dans les ténèbres... Je respire votre éternité pour absorber le ciel, où les ombres de la mort s'étendent."
Il s'agenouilla devant elle. Elle apprécia cela car c'était le signe que dorénavant, il était à elle.
***
Si elle avait toujours apprécié les rapports charnels, la sensation nouvelle des caresses de la neige avait été une expérience intéressante. Elle réajusta son kimono blanc de cristaux de neige et roses rouges. Les roses du sang d'une âme innoncente.
Il releva la tête et les yeux luisants d'une étrange flamme, il lui demanda :
"Laissez la marque de votre sagesse dans mon esprit comme vous laisser cette tempête dans mon coeur"
Elle sourit de nouveau
"Me comprenez-vous réellement ? Le temps ne passe pas. Ma victoire est éternelle. Leur dédain, mon silence..."
Elle ne termina pas sa phrase. Elle avait passé une nuit très agréable en compagnie de ce samourai. Mais il était temps d'y mettre fin. Après le coup agile d'un tanto, un coeur meurs, noyé dans le doux sang de la nuit, mais il eut le temps de murmurer :
"Solitude, depuis cette nuit d'automne... Cette nuit qui gèle mes pleurs... J'ai vendu mon âme, froide comme cette neige... Je me suis noyé dans la couleur de vos yeux... où s'étendent les ombres de la mort." - Ressens-tu la douleur d'un désir nocturne ? Lui répondit-elle en souriant.
***
La nuit est passée et une brise froide et matinale balayait la plaine enneigée. Sous la neige était étendu un samourai à la peau pale, dans une armure vert Emeraude. Sur son visage, une image de paix se dessinait. La neige tombait sur le sol givré et le froid se propageait tandis que dans le ciel sombre des nuages noirs se rassemblaient et Nikushimi priait pour saluer la nuit éternelle du Magistrat, fière d'avoir épargné le Shiro Taishi d'enquêtes embarassantes, d'avoir pu sauver son Dojo et ses membres, et ainsi épargné de nombreuses morts inutiles. |
| | | Isawa Niko
Nombre de messages : 400 Localisation : Reparti en chasse... Date d'inscription : 07/11/2005
| Sujet: Re: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Mer 25 Jan 2006 - 22:55 | |
| Un matin, dans une petite ville anonyme des terres Licorne…
Haji sortit du petit entrepôt en courant, les joues encore rosies par l’émotion qu’il venait de ressentir. Mais n’était-ce qu’une émotion ? Il n’avait jamais ressenti cela auparavant, jamais son cœur ne s’était autant emballé, jamais son esprit n’avait été aussi excité. Il ne pouvait réduire l’état dans lequel il était, courant dans les ruelles de la petite ville pour libérer son enthousiasme, à une simple émotion. C’était bien plus. Son esprit analphabète ne parvenait pas à trouver le mot juste, mais il savait que c’était plus.
Doku et lui s’étaient retrouvés dans le vieil entrepôt comme ils en avaient l’habitude mais, pour la première fois, ils n’avaient pas fait que parler de choses et d’autres. Ils avaient parlé d’amour. Et elle l’avait embrassé. Ce simple toucher avait été si doux, si emprunt de sentiments profonds ! Il avait goûté à cette seconde d’éternité, où leurs lèvres étaient unies, où ensemble ils bravaient les interdits, où ensemble ils décidaient d’oublier le monde et ses peines pour vivre un instant unique et inoubliable, qui n’appartenait qu’à eux. Elle l’avait regardé timidement, il l’avait regardé avec incrédulité, puis ils s’étaient sourit, et il avait filé, le cœur léger et heureux.
En descendant une autre ruelle, il voulut profiter de cette éphémère légèreté et ferma les yeux, se sentant décoller, se sentant aussi volatile qu’une plume. Cette impression de légèreté était tellement vivace ! Le choc n’en fut que plus abrupt.
Haji rentra dans quelque chose de dur et tomba rudement au sol, complètement désorienté. Qu’est-ce qui s’était passé ? Il ouvrit les yeux pour découvrir avec horreur que ce dans quoi il était rentré si durement était un samouraï, qui avait lui aussi été surpris par le choc et qui était en train de se relever péniblement. Il s’épousseta, et regarda Haji, la haine contenue dans ce regard faisant fondre le garçon. L’homme l’insulta, et lui donna un grand coup de pied dans le ventre, avant de lui cracher dessus et de s’en retourner. Outre l’intense douleur, c’est du soulagement que ressentit le jeune homme à cet instant. Il avait tellement eu peur de mourir, de ne plus jamais pouvoir revoir Doku. Il regarda le samouraï s’éloigner et remercia toutes les Fortunes d’avoir eu pitié de lui en cet instant. Mais c’est avec un effroi indicible qu’il vit le samouraï s’arrêter, regarder autour de lui (ils étaient dans la rue principale de la ville, et beaucoup de monde observait), et enfin se retourner.
« Il ne sera pas dit qu’un paysan aura jeté Moto Ibaru au sol impunément ! »
Il s’avança d’un pas lourd vers le jeune homme et s’arrêta à seulement quelques centimètres de lui.
« Lèche mes sandales, que tu as salies par ta bêtise ! »
Si c’était là le prix de la vie, Haji était prêt à payer…mais alors qu’il allait s’exécuter, il aperçu Doku du coin de l’œil, qui le regardait. Doku, qui l’aimait. Doku, qui allait le voir s’humilier publiquement. Il ne voulait pas de cette humiliation, pas devant elle ! Il arrêta donc son geste, et murmura à la place des paroles d’excuses au samouraï. Celui-ci regarda la foule de badauds qui observaient la scène à distance raisonnable, puis regarda Haji. Il dégaina son katana, et trancha la tête du jeune homme.
« Voilà ce qui arrive, quand on n’obéit pas à un samouraï ! », cria Ibaru, avant de s’en aller. La foule l’imita, à l’exception d’une jeune femme qui s’avança vers le centre de la rue pour pleurer son amour défunt.
*
Le soir même…
Ibaru s’était senti énervé toute la journée à cause de l’altercation avec ce petit crétin. Être allé à cette maison de geisha avait été une très bonne idée, se disait-il en contemplant la jeune femme à côté de lui qui était en train de se rhabiller.
Il était un homme fier, ça oui, et tomber ainsi par terre avait été un coup dur pour lui. Un bon coup de pied aurait suffi à punir ce jeune insignifiant, s’ils avaient été seuls, mais Ibaru s’était rendu compte que beaucoup de paysans le regardaient. Et il avait vu leurs yeux emplis de sournoiserie et de joie, de voir un samouraï humilié impunément ! Il savait bien ce qu’ils pensaient, ces fourbes, ces imbéciles, et ne leur aurait jamais laissé l’occasion de se moquer d’un représentant du Khan. Aussi avait-il voulu jouer avec le jeune crétin, l’humilier un peu avant de le tabasser. Ils auraient compris, tous ces paysans, et Ibaru ne se serait pas fait réprimander pour tuer sans raison les heimin. Mais le garçon n’avait pas voulu obéir, offrant sur un plateau à Ibaru cette raison qui lui permettrait de se défouler un peu sans crainte de réprimandes. Tuer le jeune homme lui avait procuré une certaine satisfaction. Tout comme les regards terrifiés des paysans. Tout comme ce petit entracte avec la geisha, qui venait de revenir avec un plateau pour lui servir le thé. Oui, on pouvait dire que Moto Ibaru était un homme satisfait, en cet instant. Fier de lui. Cette journée n’avait finalement pas été si mauvaise. Il regarda la fille, qui lui sourit. Elle devait être éblouie par son charisme et son aura. Peut-être même avait-elle assisté à l’exécution du garçon, et la puissance que dégageait Ibaru la fascinait, l’excitait. En tout cas, ce sourire excitait le samouraï, ça c’était sûr. Après le thé il en remettrait sûrement une couche. Cette petite avait été un peu malhabile, mais ses yeux étaient fantastiques, quand elle le regardait avidement. N’était-ce pas de l’amour, qu’il lisait dans ce regard ? Ah, le vieil Ibaru savait encore s’y prendre, par les Kami ! Il bu le thé que lui servit la jeune femme. Il n’était pas fameux, mais sa chaleur fit du bien au Moto. Vraiment, il était satisfait.
« Dis moi, quel est ton nom, petite ? »
« Mon nom ne dirait rien à un grand samouraï tel que vous, sama. Finissez donc votre thé, et nous pourrons enchaîner avec ce qui vous plaira. », dit-elle en souriant tendrement.
Il finit la tasse, et voulu se redresser pour saisir la jeune femme…mais ce simple effort le fit se tordre de douleur. Ses muscles étaient en feu. Il jeta un regard d’incompréhension à la geisha, qui le lui rendit, et tenta de se lever. Mais il ne put que s’écrouler au sol. Il voulut crier, mais sa gorge était tellement gonflée qu’aucun son ne put en sortir. Il se tourna sur le dos en un spasme de douleur, et agrippa sa poitrine…pour s’apercevoir que son cœur ne battait plus. Suffoquant, étouffant, il vit la jeune femme se pencher vers lui et lui chuchoter à l’oreille :
« Tu voulais mon nom ? Je m’appelle Doku, fier samouraï. Et maintenant, emporte ce nom avec toi dans le Royaume des Morts. », dit-elle, laissant enfin couler ses larmes. | |
| | | Wawan Maitre tatoueur du Gorin no Sho
Nombre de messages : 325 Localisation : Gorin no Sho / Le Bar Date d'inscription : 07/11/2005
| Sujet: Re: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Jeu 26 Jan 2006 - 5:39 | |
| " N'ai-je donc vécu que pour cet instant ? A quoi bon ? "
La cloche d'un temple sonne.
" - Allons, Tenma-san, du nerf. - Hai, Sekishusai-sensei. "
Sous le soleil printannier, le jeune homme, dont le menton commençait à s'orner d'un fin duvet, se jette sur son professeur un boken dans chaque main. D'un mouvement fluide, celui-ci envoie l'élève s'étaler sur le parterre de fleurs montagnardes qui parfume le plateau sur lequel ils s'entrainent. Essouflé, il lève les yeux sur son maitre au crane rasé, selon la tradition de sa famille.
" - Si tu continues à utiliser ton sabre afin de blesser ou de nuire, tu ne parviendras jamais à le maitriser parfaitement. S'il sert à protéger l'Empire et l'Ordre Céleste, alors il ne pourra être mieux manié. Recommences ! - Hai, Sekishusai-sensei ! "
Tenma ramasse ses armes, qu'il avait laissé choir, et se remet en garde, puis attaque de nouveau. Lorsqu'il roule à nouveau au sol, il porte la main à sa joue.
Un goût de fer dans la bouche. Quelquechose de visqueux sur la lèvre inférieure. Le bruit d'une lame.
Tenma toise son adversaire. Le Kakita a osé dire que la technique de Mirumoto ternissait l'honneur d'un samurai, aussi vont-ils se battre. La tension dans l'assitance est perceptible, telle les ondulations de l'air annonçant l'orage. Les duellistes, dont la détermination ne semble avoir d'égale que l'impétuosité, sont tous deux en posture de iai-justu. Le moindre mouvement de l'un entraine celui de son adversaire, si bien que pendant quelques secondes qui semblent, comme si elles précédaient une tempête, durer une éternité, les sabreurs se tiennent immobiles. Le geste du Dragon est alors plus un réflexe qu'une réelle esquive, et lorsque ses quelques cheveux coupés touchent le plancher, un fin filet de sang coule sur la joue du membre du clan de la Grue, et le plaisir de vaincre l'envahit. Mais avait-il vraiment vaincu ?
A n'en pas douter, c'est la nuit : il fait si noir. Mais quelle est cette lueur ?
" Tenma-sama ! Tenma-sama ! Par la grâce des Kami, votre fils est au monde, et votre épouse, louées soient les Fortunes, n'a pas eu trop à souffrir de l'enfantement, aussi permettez moi de vous emmener auprès d'eux. "
Ne se sentant plus de joie, le Mirumoto étreint la servante sans un mot mais avec l'expression d'une joie qui semblait infinie. Il n'est plus temps de se soucier de convenances. Puis il la suit à travers les couloirs de sa demeure, tandis qu'au dehors, le vent hivernal fait doucement tournoyer la neige qui petit à petit recouvre les montagnes. Une fois arrivé dans la chambre où se reposent la mère et l'enfant, il ne peut se contenir. Dans la chaude lumière du foyer, sous un futon des plus moelleux, est allongée sa femme, dont la beauté n'a jamais été aussi rayonnante malgré son air las, et qui lui jette un intense regard de bonheur et d'amour mêlés. Elle tient sur son sein un minuscule nouveau-né, dont le crâne s'orne de quelques cheveux noirs, qui dort paisiblement. Tandis que sur son visage se peint un sourire qui traduit son profond bien être et son immense joie de vivre, Tenma se souvient.
Sekishusai-sensei, plus jamais mon sabre ne faillira !
Une torche ! Enfin. Quelle douleur ! Mais, ce mon ?!
Les troupes du clan du Lion sont de l'autre côté de la vallée. Les ordres de l'Empereur ont été clairs : arrêter la guerre entre Lion et Licorne ; une belle occasion de mettre une fois de plus en pratique son esneignement. Mirumoto Tenma est un homme respecté, et sa valeur n'est plus à prouver. A la tête de son bataillon, il lance l'attaque. Le soleil de la fin d'été rase l'herbe, et la charge vers ses fameux guerriers qui sont à trois contre deux semble être un accès de folie dont on taxe parfois le clan du Dragon. Cependant, on ne peut permettre que ces armées continuent leur route, au risque de mettre en difficulté les réserves de leurs adversaires. Le choc est violent. Le combat s'engage, et le champ commence à rougir. La bataille tourne en faveur des Lions, menés par de subtils Akodo, mais ceux-ci ne tardent pas à tomber sous les coups des samurai les plus téméraires et galvanisés par la parole de l'Empereur. Tenma lève haut la tête du taisa ennemi. Mais alors que les premières étoiles apparaissent, surgissent d'est de d'ouest deux autres armées portant les bannières des familles Matsu et Ikoma, et qui fondent sur les restes des forces Dragon.
" Tenma-sama, je vous conjure de partir immédiatement afin de prévenir le reste de nos troupes de ce qui les attends. N'y voyez pas une insulte envers votre valeur, mais plutôt une marque d'estime, car seul vous serez assez fort pour les rejoindre seul. "
Le samurai s'incline aussi bas que possible, et son commandant, navré de laisser un jeune homme si sage mourrir, ne peut que faire de même, car bien d'autre doivent vivre. Il fait demi tour et part à bride abattue dans la direction du camp de son clan. Une fois arrivé en haut de la vallée, la nuit est complète, et il n'y a plus de bruit derrière lui. Il tourne la tête afin de lancer un dernier regard à ses frères tombés, et repart. Après deux heures de chevauchée, il aperçoit les lueurs du bivouac qu'il cherche, quand soudain, la douleur lui vrille la poitrine. Un grand froid le gèle entre deux côtes sur la droite, et de cet endroit émane une chaleur cuisante, désagréable. Le sang se met à couler légèrement par sa bouche ; il tombe de son cheval, se remet sur pied avec les plus grandes difficultés, et après quelques pas chancelants, retombe dans une râle. Quant enfin il voit arriver un homme portant une torche, derrière une sorte de voile mystérieux qui trouble sa vue, il sourit un instant, y voyant un allié. Mais le bushi, qui tient un arc, porte discrètement le mon de la famille Akodo sur ses habits d'éclaireur.
Une feuille tombe d'un arbre.
" A quoi bon ? " | |
| | | Makichiro
Nombre de messages : 638 Localisation : Secte du Lotus / Béziers Date d'inscription : 29/10/2005
| Sujet: Re: [Concours] Recueil de nouvelles - Session 1 Jeu 26 Jan 2006 - 20:49 | |
| "Ils arrivent!"
A chaque fois que j'entends ces mots, un frisson me parcourt l'échine. Je ne suis pourtant pas pleutre, loin de là. Je suis Hida Iko, guerrier du Clan du Crabe et, comme tout Crabe qui se respecte, je donne ma vie pour défendre le Mur et, au-delà, l'Empire d'Emeraude. Mais ces mots, ces deux simples mots, évoquent beaucoup pour moi. Cela signifie que l'Outremonde attaque.
Depuis la chute des Kami, le Clan du Crabe doit protéger Rokugan des assauts de la Horde. Combattre des créatures défiant toutes les lois naturelles, c'est notre lot quotidien. Mais cela ne nous empêche pas de rester des hommes et des femmes avec des sentiments, des peurs et des angoisses. J'ai vu mourir tellement de mes compagnons sur le Mur que j'en ai perdu toute notion de vie et de mort. Mais cette réaction physique à chacune de ces attaques, c'est plus fort que moi. J'ai beau me dire que mourir au combat est la plus belle mort pour un samourai, je n'arrive pas à me faire à cette idée. Pourtant, depuis les années que je suis en poste sur le Mur, je vois chaque jour la mort de plus en plus près. Elle est presque devenue une amie, un compagnon de fortune. Et j'ai beau la repousser, chasser ces idées de ma tête, elles reviennent constamment, insidieusement, toutes les nuits où je peux prendre le peu de repos qui m'est accordé, tous les jours où je reste à surveiller l'Outremonde et ses grandes plaines désertiques, à chaque instant de ma vie. J'en viens presque à avoir envie qu'elle me prenne, qu'elle mette fin à ce calvaire. Car oui, vivre sur le Mur est un fardeau que personne ne peut comprendre. La population entière de Rokugan ignore ce que vit les Crabes. Nous donnons nos vies pour eux. Et je ne le dis pas en pensant à tout ce que le Clan du Crabe ne connaît pas comme eux, telle que la musique, le chant, le théâtre. Je dis ça en pensant qu'en guettant constamment l'Outremonde, nous ne faisons rien d'autre qu'attendre notre mort. Notre vie entière est dédiée à notre mort.
Le Clan du Crabe ne connaît pas tous les plaisirs dont jouissent les autres Rokugani. Nous n'avons pas le loisir de faire les boutiques, de chevaucher sur de vastes plaines, d'assister à des représentations de kabuki, d'écouter un poème écrit par un artiste renommé. Non. Notre vie est consacrée au combat. Nous apprenons à manier les armes, à connaître les points faibles des Oni et autres gobelins, à nous protéger de la Souillure. Et surtout, nous pleurons nos amis morts au combat. Pour chaque assaut de l'Outremonde repoussé, des dizaines de mes frères meurent. Le Crabe a peut-être l'une des armées les plus importantes de l'Empire, cela ne compte pas quand on voit mourir un ami d'enfance. Le voir périr sous les coups adverses et se relever ensuite, transformé en zombie. Et devoir le tuer soi-même.
Non. Les Crabes ne vivent pas pour défendre Rokugan. Les Crabes meurent pour que Rokugan vive. Nous avons accepté ce fardeau depuis 2000 ans déjà. Tel est notre devoir et je ne faillirais pas en l'accomplissant. Pour la mémoire de mes ancêtres, je ne faillirai pas. Mais l'heure n'est plus aux pensées. Ils arrivent. Les éclaireurs Hiruma nous avaient annoncés leur arrivée mais voir une armée de zombie, gobelins, ogres et trolls fondre sur le Mur, cela ferait frémir n'importe qui. La première vague a été stoppée par nos archers et shugenja. Mais je sais qu'il va me falloir aller combattre. Cela se passe toujours comme ça. Soit. Je ferai ce qui doit être fait. Pour le moment, je patiente, prêt à me ruer sur les premières créatures qui seront à ma portée.
C'est le moment. Plusieurs groupes de guerriers sont envoyés au corps à corps. J'en fais partie. J'ai l'étrange sentiment que ce jour est mon dernier. Je ne saurai définir cette sensation. Elle est là, c'est tout. Je me bats vaillamment. Je frappe. Je découpe. Le sang éclabousse de partout. Les hurlements des créatures se mêlent à ceux de mes frères Crabes. Nous nous battons pour l'Empire. Nous n'échouerons pas.
J'entends un cri. L'un de mes compagnons vient de tomber. Mon frère cadet. J'avais toujours pensé mourir avant lui. Mais je n'ai pas le temps de regretter sa mort. Déjà, une nouvelle vague de zombies avancent. Nous n'échouerons pas.
Recouvert du sang de mes adversaires mêlé au mien, je suis méconnaissable. Dans ces moments, je ne peux plus penser normalement. Mes muscles bouillonnent de rage. La peur m'a quitté. Il ne reste plus que l'envie de tuer. Alors je frappe. Et je frappe. Et je frappe. Les os craquent sous mes coups. Les têtes volent. Je ne sens même plus les blessures qui me sont infligés. Mes camarades sont dans le même état que moi. Nous n'échouerons pas.
Un bruit. Différent des autres. Je me retourne et je vois un zombie juste derrière moi. Je le décapite. Puis je regarde plus bas. Son katana me transperce de part en part au niveau de l'abdomen. Je ne le sens même pas. Je continue à me battre mais j'entends un autre bruit. Le même. Un autre sabre a rejoint le précédent. Je m'écroule, incapable de rester debout. Je ne ressens aucune douleur. Tout est silencieux désormais. Je vois mes frères continuer de combattre les créatures de l'Outremonde. Mais je ne peux les rejoindre. Toutes mes angoisses, mes peurs, mes doutes, reviennent m'assaillir dans ces derniers instants. Personne ne me pleurera. Je ne suis qu'un mort parmi tant d'autres. Tel est le fardeau du Clan du Crabe. J'ai enfin accompli ce à quoi était destinée ma vie : ma mort.
Je n'ai pas échoué. | |
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